Tagubu – Carrer Telègraf

«Sunday Morning, Praise the Dawning», chantait en 1967 un Lou REED alors drapé de velours marginal, dégageant un air de fausse naïveté sereine. Depuis, bien des dimanches matins ont passé; et plus de cinquante ans plus tard, ces mêmes dimanches matins servent de manne inspirante à TAGUBU, alias Denis TAGU, qui a tracé son chemin dans les inventions avant-gardistes de HELLÉBORE, les bricolages ludiques des LOOK DE BOUK, SZENTENDRE et autres TOUPIDEK LIMONADE et dirige depuis 1989 le label français “sempiternellement pataphysique” In Poly Sons. Carrer Telègraf est son premier album solo (il faut bien s’y mettre un tôt ou tard) qui, paradoxalement, ne sort pas sur In Poly Sons, mais sur le label italien ADN Records.

En guise de fronton à l’entrée de cet album on peut lire quelque chose comme «Au commencement était le son». Ce son, c’est en l’occurrence celui du mellotron, instrument à clavier polyphonique qui a fait les heures de gloire de nombreuses formations de rock progressif des années 1970 et a collé aux guêtres de celles-ci comme un indécrottable chewing-gum… Mais de rock progressif il n’est point question ici (j’entends comme des respirations soulagées…). Et puis, parce qu’il faut bien évoluer, le mellotron utilisé par TAGUBU est digital, comprend une centaine de sons pré-enregistrés et offre la possibilité de mixer deux pistes d’instruments.

Les neuf compositions de Carrer Telègraf – paru uniquement sur support vinyle – ont été réalisées lors d’une période sabbatique à Barcelone durant laquelle Denis TAGU a lentement et patiemment collecté des idées provenant d’une sensation, d’une vision, d’un sentiment, d’un rythme et a lentement et patiemment développé cette idée jusqu’à en faire – pourquoi pas – une composition, puis une autre, puis encore une autre, sans ruer sur les brancards, sans faire les trois huit, juste comme si on était… un dimanche matin ? Par exemple…

La plupart des sons que l’on entend dans Carrer Telègraf proviennent donc de ce mellotron digital (M4000D), auquel s’ajoutent au gré des pièces des percussions, des carillons, une batterie, des voix, des grillons, des plongeons, des souffles, un accordeur d’harmonica, un crapaud alyte, une explosion de bombe atomique et des échantillons ou des inspirations d’autres musiques folk (Ghana, Hongrie, île de Java…).

Hommage, clins d’œil et réminiscences sont de même adressés à MADAME PATATE, TRICKY, Márta SEBESTYÉN et MUZSIKAS, TÉLÉPHONE, DEBUSSY, Camelia JORDANA, CHOMO, et on trouve même en fin de course une reprise (inachevée, parce qu’il ne faut pas trop en faire quand même par les temps qui courent…) d’un morceau de Fred FRITH, Iva BITTOVA et Pavel FAJT (Lost and Found, sur l’album Step across the Border), reprise agrémentée de rythmes javanais et de feux d’artifices! Et le plus fort est que cet apparent hétéroclisme des sources d’inspiration ne nuit pas à la cohérence musicale de l’album, dont l’univers se situe logiquement au carrefour de ceux de LOOK DE BOUK, TOUPIDEK LIMONADE et KLIMPEREI!

C’est en somme un amalgame de sensations immédiates et de souvenirs plus ou moins lointains qui constitue la matière sonore de Carrer Telègraf, matière lentement et patiemment traitée, polie et agencée par TAGUBU pour aboutir à un espace-temps aux effluves quelque peu nostalgiques et mélancoliques, mais au travers desquelles se dessine une sorte de somnolence résiliente, une forme de rêvasserie sereine comme un barbotage inconséquent dans une piscine.

«Sunday Morning, and I’m Falling», chantait l’autre. À votre tour, laissez-vous griser par ce farniente mellotronesque aux allures d’”ambient music” pour esprits faussement nonchalants…

Stéphane Fougère – Rhytmes Croisés 

6/11/2020

 

 

Officiant depuis quelques années sous le nom de Tagubu pour bien marquer son orientation pataphysicienne, Denis Tagu (Hellebore, Neo Museum, Szentendre, Look de Bouk, Toupidek Limonade) réalize plus ou moin épisodiquement un enregistrement personnel, seul (Miss Elianus en 2014, ou Give Me A Word en 2015, disponibles uniquement en numérique) ou en partenariat (I Don’t Remember The First Time, avec Klimperei. Carrer Telègraf, pris en charge non par son propre label (InPolySons) mais par ADN Records, est toutefois sa première parution physique en soliste (et en vinyle). Se revendiquant comme une «musique du dimanche matin», les huites titres du recueil en ont les caractéristiques: en general le dimanche matin, on traînaille au lit, on sait qu’on a toute la journée devant soi, sans avoin besoin de stresser pour quelque obligation ou nécessité, on se la coule douce, et on laisse vagabonder son imaginaire. C’est dans cet esprit qu’a été confectionné cet enregistrement, et c’est sans doute aussi dans cet esprit qu’il faut l’appréhender. À la bas de ces huit propositions de musique du dimanche matin, un instrument, le mellotron M4000D, parfois secondé par une batterie, voir par divers sons captés. Avec une inspiration suscitée par des faits («Benvinguts»), des amitiés (les dedicacés: Pierre Bastien, Jean Caël, Madame Patate), des réminiscences musicales (les racines africaines du blues, les Residents, le chant traditionnel hongrois, les rythmes javanais), des emprunts («Objectes perduts») – le tout illustré par la peinture d’un artiste clandestin, Marcel Storr, affilié à l’art brut, un autre dada de Tagubu

Pierre Durr – Revue et Corrigé

12/2020

 

 

80年代よりキーボーディストとして多くのエクスペリメンタル、ニューウェーヴ、アートロック系ユニットに参加、本名名義では2017年のKlimpereiとの共作以外は残していないと思われる、実力派音楽家Denis Taguの1st LPがADNのサブレーベルArtisti Del 900より出版!!キーボード以外にもフルートとギターを得意とする人物であり、本作では”メカニウム”で有名な同国の重要人物Pierre Bastienへ捧げたアフリカ音楽や、ドビュッシーに触発された楽曲、また自身のユーモラスなイメージを音像化したインストゥルメンタルなど、民族音楽、室内楽、ミニマル・エレクトロニクスが全9曲を通して雑多に駆け巡リます。コレは非常に面白い一枚。

ADN presents Carrer Telegraf by Tagubu. At first, the sound – kind of a fake serene innocence- Sunday morning music. A1 Benvinguts 5:38 Dedicated to mellowed toupideks-Arrival in Barcelona-Welcoming ceremony-Installation-Shadow of the terrorist attacks. A2 Titol Esgotat 4:11 Tribute to the carnets of 10 metro tickets-Here,ten tracks repeat the same theme ten times-At first, you can hear the ten tracks all together and, at each repetition, one track is removed, the same way you would remove a ride from your metro carnet. A3 Falsos Bucles 5:11 Dedicated to Pierre Bastien- Based on African melodies and rhythms (African Roots of the Blues Part 5 – Talensi Fiddle Music From Ghana West Africas) Cracks in laments- Constructions towards an erratic dance for expressiosts masks and wizards’ parade- A slight allusion to the Residents at the end. A4 Correfoc 4:30 Drums played over Overcome by Tricky (Maxinquaye CD)- A repetition- Drawling nostalgia in a canon (singing) that resonates- Contrast with bustle and calm towards the eclosion of an explosive balance.
B1 Bona Nit 4:47 Dedicated to Jeannot- The light of three street lamps that shine away in the night like three well aligned and tidy restful- The sound of crickets- The somnolence that comes, interrupted by thoughts- Towards childhood melodies recollections (Die tyrolers zin lustick), surfacing as if they were swimming quietly in a pool. B2 L’email Au Tronc 3:58 Dedicated to Madame Patate- Lying on the floor looking for her illumination- Night contemplation. B3 El Gos Nico 3:50 Tribute to Mamy Henriette and Coquillerance too- La Fille aux Cheveu d’Ange (Debussy) Inspired by the rhythm of the song Vettetem Violàt by Muzikas. B4 Sense Fa Sostingut 4:16 Based on Letera by Camelia Jordana. B5 Objectes Perduts (Lost and Found Fred Frith and Iva Bittova) 3:34 Slow and unfinished cover- Inspired by Javanese rhythms

Art Into Life

ADN